Hommage à Germaine Joinet (co-fondatrice et ancienne présidente du CICP)

, par Sylvain

Médecin, militante des droits de l’homme, Germaine Joinet est décédée le jeudi 24 avril 2008. Pour Germaine, la solidarité internationale allait de soi, n’avait rien d’exotique, était le prolongement naturel de la solidarité sous toutes ses formes, la complétait, lui donnait tout son sens. Germaine était déterminée, concentrée, toute volonté tendue. Elle réussissait à être, dans le même temps, généreuse, tolérante, ouverte aux autres, tout en étant ferme et intransigeante.

Germaine a été présidente du Centre international de culture populaire (CICP) dans ses débuts difficiles de la rue de Nanteuil. Elle avait participé à la genèse du projet, dès 1976, dans la suite des comités Chili, de leur vrai nom les comités de soutien à la lutte révolutionnaire du peuple chilien. Elle en avait accepté la présidence, qu’elle a assumée de 1980 à 1985, quand la rue de Nanteuil était attaquée, quand Minute et le Figaro titraient contre « le centre international terroriste », quand Paris Match publiait en couverture les photos de Nanteuil et expliquait l’influence néfaste de Germaine sur son époux, Louis Joinet.

Germaine assumait tranquillement, même après la bombe qui n’avait heureusement pas fait de victimes. Nous plaisantions même en pensant à la satisfaction pour un esprit journalistique ou policier un peu simple quand il découvrait, en lisant l’annuaire, que tant de comités de soutien à des peuples opprimés et en lutte, des Palestiniens, des Arméniens, des Chiliens, des Iraniens et tant d’autres avaient la même adresse. Germaine était dans son élément au CICP, à Nanteuil comme à la rue Voltaire après le déménagement. Toujours attentive et disponible. Elle s’y retrouvait dans ses propres engagements. Pour la Palestine d’abord, cette lutte toujours centrale d’un peuple nié, démontrant les limites d’un droit international, affaibli par le « deux poids, deux mesures » et l’arrogant cynisme des puissants. Germaine avait été active dès le début dans le Comité des médecins pour la Palestine. Et puis le Chili, l’Argentine, le Brésil et le travail avec les sans-terre et le père Burin des Roziers, le Comité Nicaragua, l’Uruguay et sa présence efficace dans la préparation de la session à Rome du Tribunal permanent des peuples. Elle avait soutenu le peuple arménien et avait été reçue triomphalement, avec Louis, dans la nouvelle République d’Arménie, par ceux qu’elle avait accueillis et défendus.

Nanteuil, c’était un refuge internationalement reconnu pour les exilés, les réfugiés, les militants. Que d’associations y sont passées ! Des associations de toutes les régions du monde, et aussi dans leurs moments difficiles, des associations luttant en France, du syndicat des psychiatres au Mouvement d’action judiciaire. Mais c’était surtout la maison des immigrés, des sans-papiers, des double-peine, des exclus, des rejetés, de tous ceux qui démontrent tous les jours que la question des droits de l’homme se pose en France et qu’on ne peut pas soutenir les droits dans le monde si on ne se bat pas, sans concessions, pour la dignité et l’égalité des droits en France.

Car la solidarité ne se réduit pas à une aide ou à un soutien aux autres. On ne peut qu’y être totalement impliqué. Germaine savait qu’un peuple qui en opprime un autre n’est pas un peuple libre. Elle savait la terrible phrase d’Aimé Césaire, que la colonisation avilit le colonisateur et que l’oppression avilit l’oppresseur. Germaine savait aussi que la lutte pour les libertés et les droits n’est pas une lutte facile et qu’elle demande une vigilance de tous les instants.

Toute révolte contre l’injustice contient une parcelle de liberté. Mais cette bataille n’est jamais gagnée.

Cette liberté est fragile et récupérable, elle peut être porteuse elle-même de dérives parfois sanglantes. L’opprimé n’est porteur de liberté que s’il respecte la dignité des autres.

Pour Germaine, accepter l’oppression des autres, c’est renoncer, de petites lâchetés en plus grandes lâchetés, à sa propre liberté. Et Germaine était une femme magnifiquement libre. Elle avait gardé intacte sa capacité d’indignation, toute souffrance, toute injustice la mettait hors d’elle. Et nous l’aimons comme nous l’avons connue, belle dans ses révoltes, frémissante dans ses combats, vivante dans nos mémoires.

Par Gus Massiah, président du Centre de recherche et d’information pour le développement (CRID).

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